Bien et mal
Juger les choses comme bien et mal signifie la présence en soi des trois poisons, l’ignorance de la vraie nature des phénomènes, l’avidité (ou l’attachement) pour le bien, ce qu’on pense qui nous est favorable, et l’aversion (ou la peur) du mal, ce qu’on pense qui nous est défavorable. Ce choix entre ce que nous pensons bien ou mal est subjectif et lié à nos préférences et nos intérêts personnels.
Je regardais un film sur les semences et les multinationales de l’agro-alimentaire. Ce qui est mal pour les petits paysans et les défenseurs de l’environnement est bien pour les employés et les actionnaires de ces grosses compagnies et pour les paysans qui utilisent leurs produits (au moins à court terme).
La nature du samsara* est la souffrance (l’insatisfaction, l’imperfection), et l’impermanence, la vision dualiste du bien et du mal, l’avidité insatiable pour le bien (ou le bonheur) et l’impression d’être une victime du mal.
Le problème est de prendre les phénomènes du monde personnellement, c’est-à-dire par rapport à une entité séparée qui désire le bien et craint le mal ; et de croire en plus que cette petite entité existe de façon inhérente et que le monde phénoménal qui l’entoure est réel. Alors qu’il n’est que le jeu d’apparences illusoires qui surgissent dans l’espace-temps, produites par des causes et des conditions, pour disparaître ensuite en donnant naissance à d’autres apparences tout aussi illusoires. Le problème est de juger ces apparences comme bien ou mal et d’être affecté par elles, au lieu de les voir pour ce qu’elles sont : un jeu, un spectacle, inséparable de la vacuité dont il émerge et dans laquelle il retourne. Voir sa nature illusoire sans s’identifier à lui, c’est voir les choses telles qu’elles sont ; au lieu de créer désirs ou peurs, attachements ou aversions, cela va créer joie et émerveillement, avec un certain amusement et un petit sourire intérieur. Et, en l’absence de tout commentaire, amour et compassion pour tous ceux qui perçoivent le monde comme bien ou mal.
* Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.
30 mars 2015, Chiang Mai