PENSER AUTREMENT

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La conscience et son contenu

1150 Poème de couleurs
1150 Poème de couleurs

Je lisais dans Adyashanti qu’un des aspects de l’éveil serait de percevoir la conscience plutôt que son contenu (les objets). Et je me rends compte que ce n’est pas facile du tout. Ce sont les objets qui nous attirent, et nous perdons de vue la conscience elle-même, si nous l’avons jamais vraiment perçue ! Je faisais quelques essais ce matin dans ma méditation. Par exemple, si j’entends un son (une moto qui passe), est-ce que je perçois le silence qui est derrière le son ? Je perçois bien la naissance du son, son déplacement apparent (ou le déplacement de sa source), l’augmentation et la diminution de son intensité, les modulations de son timbre (du grave à l’aigu), et sa disparition. Mais est-ce que je perçois vraiment qu’il n’est qu’une manifestation, qu’un jeu du silence, qu’il naît du silence et retourne au silence ?

De même pour les objets visuels. Je regardais mon tableau avec les spirales : il est devant moi. Est-ce que je peux abstraire les spirales colorées pour ne voir que le fond foncé ? Est-ce que je peux ignorer les spirales et le fond et mettre ma conscience sur la feuille blanche qui leur sert de sup­port ? Voir le verre qui recouvre la peinture ? Ou le mur blanc sur lequel est accroché le tableau ? Est-ce que je peux voir la montagne, le paysage qui est derrière le mur ? Et le ciel qui est derrière la montagne ? Et l’immensité vide, la profondeur ténébreuse de l’univers qui est derrière le bleu du ciel ?

Alors, où est la conscience, la présence, l’attention ? Est-elle au-delà de la superposition de concepts établis par l’esprit ? Au-delà de l’esprit qui construit cette réalité conceptuelle à partir des perceptions des sens (les images, les sons…) et qui les classe dans ses mémoires, ses connaissances, ses conditionnements ? Il n’est lui-même qu’un autre niveau de cette superposition, plus subtil peut-être, mais qu’une partie, qu’un acteur du jeu de la conscience. Ou du jeu de Dieu. Et moi ? Où suis-je dans ce jeu ? Suis-je les objets, le monde ? Suis-je les sens qui les perçoivent : c’est-à-dire le corps ? Suis-je l’esprit qui classe les perceptions et crée les concepts ? Suis-je la conscience du jeu et de ses acteurs ? Suis-je Dieu, celui qui joue, le Créateur ? Mais Dieu, n’est-il pas aussi un des acteurs, un autre niveau de la réalité ? Suis-je alors au-delà de tous les niveaux de cette réalité, au-delà des idées et des mots qui l’expriment, au-delà de la conscience de l’existence et de la non-existence ; suis-je l’absolu ? Mais l’absolu, n’est-il pas qu’une vaine tentative de mettre une fin à une liste qui ne peut pas avoir de fin ?

C’est alors que différents niveaux de moi apparaissent. Le moi avec un tout petit m, qui serait le corps et le monde matériel. Le moi avec un petit m, qui serait l’esprit conceptuel. Avec un plus grand m, ma conscience, mon âme. Le Moi avec un grand M, qui n’est plus personnel : Dieu. Puis le M se transforme en S, le Soi, la vacuité, la non-dualité. Puis le M, le S, et toutes les lettres disparaissent ; car le Tao qu’on peut nommer n’est pas le vrai Tao, comme disait le Vieux…

 

2 novembre 2002, Chiang Mai

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