Perception simultanée
J’ai eu la vision en méditant que les pensées sont comme des objets hétéroclites entassés dans un marché aux puces ou chez un antiquaire. Elles n’apparaissent pas l’une après l’autre, de je ne sais où (de la vacuité par exemple), mais sont toutes là en même temps, entreposées pêle-mêle et couvertes de poussière, reliques de notre passé karmique ; mais elles semblent apparaître à notre conscience une par une, dans le désordre, sans raison apparente. Comme lorsque nous regardons des objets dans un magasin, notre conscience se fixe sur un objet après l’autre ; mais avec, en arrière-plan, une vue périphérique de l’ensemble des autres objets et de leur environnement ! Cette vue périphérique n’est normalement pas apparente pour les pensées. Ce serait la perception simultanée de toutes nos actions passées et futures, lorsqu’on transcende l’illusion du temps.
Le déploiement des objets visuels est habituel dans un même lieu, mais cette perception est moins évidente lorsqu’il s’agit des autres sens, en particulier de l’ouïe. Car même si on peut disséquer un bruit, comme la musique, en ses différentes composantes (instruments, sonorités), on reste conditionné par la succession dans le temps ; ce serait comme disséquer un tableau (ou un objet visuel) en ses différentes formes et couleurs. Il semble toutefois que certains compositeurs peuvent percevoir simultanément l’ensemble d’une symphonie (mais on reste dans le cadre limité d’une œuvre). Le principe est sans doute le même que la perception simultanée de tous les aspects de l’univers (passés, présents et futurs) pour un bouddha.
28 novembre 1991, Katmandou